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Benoît Maire

12/17/2018

 
Young Art Review - Benoît Maire
Vue de l’exposition Thèbes, CAPC Bordeaux, 2018
Benoît Maire est un artiste pluridisciplinaire (peinture, sculpture, photo, vidéo, écriture et performance), né en 1978 à Pessac. Il vit et travaille à Bordeaux. Après avoir étudié la philosophie, il est entré à la Villa Arson à Nice. Il a ensuite été résident au Palais de Tokyo et lauréat ex-aequo du Prix Ricard 2010.
Ses œuvres sont d'une matière pas uniquement physique mais aussi théorique puisqu'il lie l'art et la philosophie en engageant des réflexions esthétiques. Que ce soit dans ses Sphinx et ses Châteaux, où il recherche des associations de formes et de matériaux dans des équilibres ténus, ou dans ses Peinture de nuages, où il nous embarque dans un rêve et une méditation, Benoît Maire interroge les limites de la représentation.

Rencontre.
Young Art Review - Benoît Maire
"Dans ce que je fais je cherche toujours un équilibre qui serait juste avant l'effondrement. [...] Maintenant, oui je préfère créer des œuvres belles, mais la possibilité de son renversement (comme un équilibre qui s'effondre) est toujours là. La grande beauté est proche de la laideur sinon c'est de la décoration."
Young Art Review - Benoît Maire
Vue de l’exposition Thebes, Spike Island, Bristol, Royaume-Uni, 2018
YAR : Quel est ton parcours artistique ? Comment et quand as-tu commencé à t'intéresser à l'art ?
J'ai eu une scolarité normale et j'étais plutôt scientifique. Mais en première et terminale S, j'ai compris que je ne voulais pas approcher le monde de manière objective car c'est trop contraignant. De fait, je voulais tisser des relations entre les choses, mais le faire à ma façon. Je lisais les carnets de Paul Klee et j'en parlais avec mon grand frère qui lui faisait des mathématiques à la fac. J'étais dans une assez mauvaise classe et je suis le seul de mes amis à avoir eu le bac.
Par respect pour notre enthousiasme vis à vis de l'art et de la philosophie, je suis allé à l'université d'arts visuels de Bordeaux 3, puis j'ai aussi combiné avec le parcours en philosophie de cette même fac. 
"Mon cerveau est vraiment philosophique, mais au lieu d'écrire sur mon clavier d'ordinateur, je préfère d'autres activités. Les questions et les modes de résolution un peu logiques de la philosophie se retrouvent dans mes arrangements d'objets et dans mes expositions en général"
Puis j'ai fait un DNSEP à la Villa Arson à Nice et un DEA de philosophie à Paris 1. Je me suis inscrit en thèse toujours à Paris 1 et je faisais aussi le pavillon au Palais de Tokyo. Vers 2007-08, l'art me prenait trop de temps et j'ai renoncé au doctorat de philosophie, dont la forme aussi me semblait trop contraignante.

Ta pratique est pluridisciplinaire. Comment t'es-tu ouvert à tous ces médiums ?
​C'est sans doute par curiosité, ou peut être par dégoût de la spécialité. J'aime le début en général, donc j'aime bien commencer des choses que je ne sais pas faire. Et puis à un moment, quand on arrive à faire certaines choses dans un médium, il y a des méthodes qui sont transposables dans d'autres, donc ça va plus vite pour arriver à certains résultats. Et puis surtout je travaille avec des artisans de qualité, pour les soudures des châteaux, pour les moulages en verre, pour la prise de vues de mes films, pour le tirage des photos etc... il y a énormément de compétences techniques que je n'ai pas. La peinture est la seule chose que je fais entièrement seul, certaines sculptures aussi qui ne demandent pas de compétences techniques particulières.
Quel est ton processus créatif, notamment dans ton rapport avec la philosophie ? Comment navigues-tu du concept (philosophique) à la création d'une oeuvre plastique ?
Mon cerveau est vraiment philosophique, mais au lieu d'écrire sur mon clavier d'ordinateur, je préfère d'autres activités. Les questions et les modes de résolution un peu logiques de la philosophie se retrouvent dans mes arrangements d'objets et dans mes expositions en général.

Conçois-tu ton travail comme conceptuel ? Entres-tu dans la lignée des artistes conceptuels ?
L'art conceptuel historique est un peu sec, je préfère la lignée continentale, plutôt Broodthaers que Kosuth. Parler d'art conceptuel de nos jours revient à mettre les idées au centre du projet artistique, mais on emploie ce terme de manière un peu générique et ça ne veut plus rien dire d'exact.
​À la base le projet conceptuel s'inscrit dans une vision hégélienne de l'histoire (« Art after philosophy » de Kosuth, 1969, s'y réfère explicitement). Tous les philosophes ne sont pas aussi systématiques que Hegel et ils manient quand même des concepts, je préfère Bataille, Kierkegaard et Wittgentsein, des philosophes dont la vie affective déborde de beaucoup ce qu'ils peuvent conceptualiser, j'y vois là un motif artistique.
Young Art Review - Benoît Maire
Imagination de la chasse, 2018 plâtre, flèches de silex incluses dans un bloc de plexiglas - 27 x 17 x 7,5 cm
Dès le début du 20e siècle, la question de la beauté ou non dans l'art a questionné. Bien sûr, Marcel Duchamp, Dada, les avants-gardes ont initié une séparation entre art et beauté. Tes assemblages et installations portent une certaine esthétisation.
Comment te places-tu dans ce contexte ? Souhaites-tu créer des œuvres belles ? Quelle est la finalité de ta création ?

De nos jours la beauté est subjective. Du temps de Platon, le bien, le vrai et le bon se tenaient main dans la main. C'est difficile de dire si je souhaite aller vers le beau, dans ce que je fais je cherche toujours un équilibre qui serait juste avant l'effondrement. À cet endroit, l'éthique de ma vie se joue aussi, car je tiens les situations, j'arrive à les vivre, mais je suis aussi très proche du fait de ne pouvoir plus les vivre et de les voir s'effondrer, ça tient à rien, mais ça tient toujours. Maintenant, oui je préfère créer des œuvres belles, mais la possibilité de son renversement (comme un équilibre qui s'effondre) est toujours là. La grande beauté est proche de la laideur sinon c'est de la décoration.
Young Art Review - Benoît Maire
Peinture de nuages (triptyque), 2018 - Huile et peinture en spray sur toile - 3 x 250 x 150 cm
Comment en es-tu venu à créer les peintures de nuages ?
Au début, j'avais besoin d'une peinture pour un décor d'une performance, je voulais pointer du doigt quelque chose que je ne pouvais nommer lors d'une discussion. On était en 2012 et j'ai fait des nuages sur un format 100 x 150 cm. Puis j'ai continué au-delà de cette première nécessité, mais toujours avec l'idée qu'il faille montrer du doigt mes peintures pour dire qu'elles sont innommables est ce qui me pousse à les faire.
Peux-tu nous expliquer ton oeuvre Imagination de la chasse ? 
Un faon en plastique repose sur un amas de flèches préhistoriques, c'est cette pièce je crois. Un faon c'est très fragile, on peut le tuer facilement, mais dans les histoires on va toujours le rendre orphelin, la chasse ne s'applique pas au faon, mais à sa mère en général dans les histoires. La vie du faon est marquée par la chasse, il imagine pourquoi on le prive de sa mère, qui est le premier objet d'amour. Il parait que les soldats qui meurent à la guerre appellent leur mère quand ils vont mourir, pas leur épouse par exemple, mais ça changera sans doute. C'est peut-être un acte d'imagination très 20ème siècle.

Quels sont tes prochains projets artistiques en collaboration ? 
Iain Hamilton Grant devait faire un tour de mon expo « Thebes » à Bristol, mais il est malade. J''aimerais faire une peinture en collaboration avec Guillaume Bresson. 
Young Art Review - Benoît Maire
Vue de l’exposition Un cheval, des silex, Galerie Nathalie Obadia, Paris, France, 2018
Young Art Review - Benoît Maire
Peinture de nuages, 2018 - Huile et peinture en spray sur toile - 203,5 x 153,7 x 4,3 cm
On en parle depuis longtemps et on va peut-être la faire cet été. ​
Anne-Françoise Schmid m'a demandé une illustration pour son prochain livre d'épistémologie et je vais construire des colonnes en pierres vers Angoulême en ce début d'année.

​
Un conseil de lecture ?
Je lis des articles sur AOC, ça me change du Huffington Post.

Quels sont les artistes contemporains qui t'inspirent ?
J'ai vu les dernières choses de Tarik Kiswanson sur instagram et c'est très inspirant, c'est propre et précis, on s'est rencontrés aussi il y a un an et j'en ai un bon souvenir.
​
Un conseil pour de jeunes artistes ?
​Ça c'est très difficile, je conseillerais aux jeunes artistes de parler beaucoup entre eux et de profiter des années du début où on fait des petits boulots et où on s'incruste un peu dans les vernissages sans invitations, car après ça devient convenu et c'est beaucoup moins drôle.
Interview mené par Livia Perrier.

Crédits photo : 

Œuvres : Bertrand Huet / Tutti image
Vue de l'exposition à Bristol : Stuart Whipps

Vue de l'exposition au CAPC : Frédéric Deval
Courtesy de l'artiste et Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles

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