Il y a un mois se tenait la foire Contemporary Istanbul, dans laquelle était exposée Nilbar Güres, au stand de la new yorkaise C24 Gallery.
Nilbar Güres est une artiste turque, née en 1977 à Istanbul. Elle a tout d'abord étudié l'art à Istanbul puis à Vienne, où elle obtient un MA à l'Academy of Fine Arts. Elle s'est ensuite installée à New York en 2011. Aujourd'hui, elle vit entre Vienne et Istanbul. À travers une oeuvre plurielle - vidéos, photographies, installations, collages -, elle questionne la construction du genre dans les cultures patriarcales. Elle utilise ses propres expériences pour montrer ce qui est dissimulé et pour pointer les contradictions des traditions trop rigides. Rencontre.
d'artistique. Je me suis donc réorientée vers l'étude de la peinture à Marmara University.
Ma mémoire visuelle s'est développée lorsque j'étais enfant, en observant constamment les choses autour de moi : les objets, les meubles, puis je changeais leur forme en d’autres comme des formes animales, des figures d'enfants ou encore des portraits humains. J'étais une outsider : jouer avec d'autres enfants n'avait aucun sens pour moi. Je préférais rêver seule - j'étais probablement difficile à comprendre et à gérer pour mes parents ! YAR : Comment les questions féministes sont entrées en résonance avec votre travail ? Cette question a-t-elle toujours été sous-jacente dans votre travail ? Je suis une personne sensible et vulnérable mais aussi critique. Bien-sûr, quand j'étais plus jeune, je ne savais pas ce qu'était le féminisme. Mais, en observant certaines choses tout au long de mon parcours scolaire, j'ai commencé à remarquer des différences dans la manière dont les garçons et les filles étaient traitées. Nos professeurs nous séparaient par sexe et j'ai vu à quel point certaines choses étaient acceptables pour les garçons et pas pour les filles. Aujourd'hui, nous savons que cela s'appelle du sexisme. Des étudiantes ont été blessées ou agressées verbalement ou sexuellement par des étudiants et c'était accepté, c'était "normal". L'injustice est un sujet important dans mon travail, je ne peux pas nier l'idée de classe et de discrimination fondée sur le sexe entre les êtres vivants. Naturellement, j'ai commencé à en prendre conscience et à me protéger dans les domaines où je pouvais être blessée ou maltraitée dans mon environnement féminin. Maintenant, je sais que c'était du féminisme ! Ma perception du monde n'a pas changé, elle est seulement devenue plus forte. Ces sentiments sont toujours vivants en moi et j'ai un outil pour les exprimer : l'art.
Je suis aussi particulièrement attachée aux tissus et aux notions de temps et d'espace qu'il est en mesure de fournir de l'histoire. Je peins parfois sur des tissus ou je les utilise pour recouvrir mes sculptures, car ils peuvent aussi créer des corps. Le tissu transcende le temps et permet de comprendre et d'être en relation avec d'autres périodes. La mode est toujours inspirée par les changements globaux, historiques et politiques, qui la rendent d'autant plus intéressante.
possibilité de créer un vaste horizon pour les humains. Un territoire ou un sentiment sont libres de changer de propriétaire, les objets matériels sont voués à disparaître... Nous devrions partager notre argent, donner nos vêtements. Les êtres humains devraient même partager leurs conditions de vie, bonnes ou mauvaises, et comme tous les autres animaux, pratiquer le vivre ensemble.
Heureusement, j’ai autour de moi beaucoup de femmes fortes. Je reçois des tissus d’amis, parfois de la part d'amis de ma mère, et ces tissus m’inspirent beaucoup… Parfois ils sont très vieux, pleins de souvenirs…
YAR : Un conseil pour de jeunes artistes ? Ils ne devraient pas suivre trop d’autres artistes. Passer du temps dans leur monde individuel est très important pour connaitre leur propre chemin.
Interview mené par Livia Perrier
Traduction : Juliette Sussan Quelques liens http://www.contemporaryistanbul.com/ https://tanjawagner.com/artists/nilbar-gures/ http://www.c24gallery.com/artists/#/nilbar-gures/ Crédits photo Self defloration : Chroma Torn : Nilbar Gures La section commentaire est fermée.
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