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Gaël Charbau

8/26/2019

 
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Gaël Charbau est un critique d'art et commissaire d'exposition. Il organise des expositions en France et en Asie et collabore avec différents mécènes, institutions et fondations (la Fondation d'entreprise Hermès, le programme Audi Talents Awards, Emerige Mécénat, Nuit Blanche...).
Retour sur son parcours et sa vision du métier de commissaire d'exposition.

Raconte-moi ton (dense) parcours professionnel. Comment en es-tu venu à travailler dans le domaine artistique ?
L'art, c'est une passion qui est née dans mon adolescence, peut-être même l'enfance... J'ai obtenu un bac avec une option arts plastiques puis j'ai suivi des études d'histoire de l'art et d'esthétique. J'ai eu moi-même une pratique d'artiste quand j'étais adolescent et étudiant : peinture, sculpture, installation, son, musique... Mais je ne me suis jamais considéré comme un artiste ! Aujourd'hui, je crois que cette pratique a été très importante pour ce que je fais aujourd'hui.
Quand je suis arrivé à Paris, j'étais enseignant. J'ai eu tout de suite l'envie de lancer une revue. Etudiant, j'avais déjà contribué à une feuille de choux sur l'art. À Paris, je n'ai pas eu envie de taper à la porte des rédactions d'Art Press ou de Beaux-Arts magazine, je me suis dit : je vais faire mon propre truc dans mon coin. Je ne connaissais absolument personne... Mais j'avais un voisin d'appartement qui était graphiste et qui a d'ailleurs une pratique d'artiste aujourd'hui. Je lui ai parlé de mon projet et nous avons conçu la première maquette...
C'était d'abord une revue sur internet, qui s'appelait déjà Particules. J'ai reçu une bourse d'aide pour l'éditer et le journal a pris de l'ampleur. Des complices m'ont rejoint peu à peu dans l'aventure, d'abord le critique Alain Berland et l'écrivain Nicolas Bouyssi, puis Stéphane Corréard, qui sont venus constituer le comité de rédaction. C'est une revue qui a un peu marqué son temps à l'époque, car elle assumait un réel regard critique et revendiquait un engagement aux côté des artistes. Nous avons cessé la parution en 2010.
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Pour quelle raison ?
Premièrement, parce que personne ne gagnait sa vie. On payait les graphistes, mais économiquement c'était très compliqué. À la fin, j'ai dit aux rédacteurs : "Dans une histoire d'amour, on ne peut pas s'arrêter quand ça va bien, on y croit jusqu'au bout, on se dit que ce sera pour la vie. Mais on sait que ce n'est pas toujours le cas.. ! Et dans une revue, c'est vraiment très rare. Il y a toujours un moment où surgissent des dissensions, des divergences. Pour nous, tout va bien. C'est un moment où nous avons plein de bons souvenirs, nous avons fait de belles choses. Je suis arrivé au bout de l'aventure de mon côté." Personne n'a souhaité reprendre le journal,  il s'est donc arrêté de sa belle mort, sans confrontation ni crise.
Young Art Review - Particules
​Comment en es-tu venu à faire du commissariat ? En rencontrant tous ces artistes ?
Colette Barbier (directrice de la Fondation Ricard) est la première à m'avoir fait confiance.
Avant ça, j’avais notamment organisé la première expo en galerie de Neil Beloufa chez LHK, qui était dirigée par ma compagne de l'époque, Perséphone Kessanidis. Nous avons découvert Neil ensemble. Les projets se sont ensuite enclenchés rapidement et depuis, je n’ai pas beaucoup soufflé !
"Je crois qu'un commissaire, c’est quelqu’un qui arrive à raconter des histoires, qui a la capacité d’embarquer un public dans une écriture."
Qu'est-ce qu'un (bon) curator pour toi ?
Je crois qu'un commissaire, c’est quelqu’un qui arrive à raconter des histoires, qui a la capacité d’embarquer un public dans une écriture. C'est dans ce sens que je parle de récit : écrire dans l'espace.
Un « bon » commissaire, c’est peut-être quelqu’un qui est capable de porter toute l’architecture d’un projet composé de nombreux détails : les lumières, les textes, l’accrochage bien sûr, la manière dont on emmène un visiteur avec nous dans une « théâtralisation » de l'espace... Pour moi, c’est être capable faire d'une exposition, une aventure. 
​​Quelles sont les clés pour en devenir un ?
Je pense tout d'abord qu'il faut une bonne capacité de conciliation, être un excellent diplomate. Il ne faut pas avoir un ego supérieur à celui des artistes... ! Il faut être capable d’être ouvert à de nombreux rebondissements et imprévus et avoir une détermination sans faille. Je crois qu'il n’y a vraiment pas d’autres méthodes que l’expérience, compte tenu des métiers qui sont impliqués : scénographie, écriture, prise de parole, capacité à aller chercher du mécénat aussi, c'est un aspect nouveau et déterminant aujourd'hui. Il faut être un vrai couteau suisse ! La vraie qualité d’un commissaire, c’est la polyvalence. Mais il faut avoir des idées et les suivre, coûte que coûte. Les compromis sont toujours trop visibles dans une exposition.
​​Comment choisis-tu les artistes que tu intègres à tes expositions ?
Aujourd'hui, j'ai un grand réservoir d'artistes avec lesquels j'ai déjà pu travailler et que j'essaie de suivre. Mais ils sont nombreux et je ne peux pas savoir tous les jours ce que font tous ceux avec lesquels j'ai collaboré. Ce sont des artistes que l'on peut me recommander, des artistes amis avec d'autres artistes que je connais. Il n'y a pas de règles en fait ! Je suis curieux de tout ce qui peut me permettre de découvrir des nouvelles pratiques.
Ça peut paraître évident mais une autre qualité du commissaire, c'est la curiosité et la capacité à ne pas s'enfermer dans des certitudes esthétiques. Si je commence à avoir demain une sorte de « ligne », un type d'artistes que je défends plus qu'un autre, je le vivrais comme une atrophie de mon métier. J'essaie d'aller chercher des formes qui sont pour moi contemporaines, qui me racontent quelque chose et qui parlent de notre monde. Je suis toujours attentif à me décaler, à rester ouvert à ce qui ne me plaît pas immédiatement. J'espère -et c'est très important pour moi- avoir cette capacité à accueillir l'inattendu.
"Ça peut paraître évident mais une autre qualité du commissaire, c'est la curiosité et la capacité à ne pas s'enfermer dans des certitudes esthétiques."
Young Art Review - Paul Mignard
Paul Mignard, "tétra polaire", 2016, pigments & paillettes sur tissu, 110 x 150 cm
Quelle est ta vision sur la création émergente actuelle ? Quels sont les artistes qui t'ont marqué dernièrement ?
Il y en a tellement. Je peux difficilement tous les nommer.
Je suis moi-même surpris par exemple par le choix de Paul Mignard pour le Prix des Révélations Emerige 2018. C'est un artiste entier, collé à sa pratique, qui n'est pas dans une stratégie... Ce qui me touche le plus, ce sont les artistes qui ne sont dans la préméditation - comme dans le marketing où on se dit qu'on va investir tel marché parce que le produit n'existe pas. Je montre rarement ce type d'artiste.
Edgar Sarin, par exemple, est un artiste que je suis maintenant depuis environ 4 ans. Il est complètement inattendu dans des pratiques qui continuent de me poser beaucoup de questions, sur lesquelles je n'ai pas de certitude. Je m'intéresse beaucoup à ces créateurs qui ont un regard très large, qui inventent des univers, qui sont dans cette rencontre entre l'art, la poésie, la performance, la littérature, la musique et qui portent un message dans notre monde complexe. J'aime les artistes qui ont une couleur, une identité, une singularité, très forte.
À suivre: retour sur quelques projets marquants...
Interview mené par Livia Perrier.

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