Et puis, je me suis dit aussi qu’il y avait des clients qui ne vont que dans les salles de vente et qui ne vont pas vers l’art très contemporain, ni dans les galeries. J’ai essayé de mixer un peu les deux mondes, d’ailleurs, j’ai même eu l’idée à un moment de faire une foire dans une maison de vente. J’ai fait aussi des livres gratuits pour tous les clients de l'étude, chez Cornette de Saint Cyr, sur l’art en France en 1960 et 1980 pour lequel j’ai fait intervenir 25 jeunes critiques. J’essayais de faire des choses qui mettaient en avant les artistes dans différents projets. À la fin du Salon de Montrouge, j’étais un peu frustré même si c’est bien d’avoir d’autres regards qui prennent la relève. J’avais apprécié cette échelle, j’avais envie de faire quelque chose de cette envergure. Je voyais tous mes copains galeristes qui souffraient parce qu’ils sont en première ligne des évolutions du marché. J’ai voulu dire des choses importantes : il y a une spécificité de notre regard français sur la culture, c’est l’exception culturelle. Les biens culturels ne sont pas des marchandises comme les autres. Notamment, ce ne sont pas les plus chères ou celles qui ont le plus de succès, qui sont les meilleures. Il y a d’autres phénomènes de reconnaissance qu’il faut arriver à amener. C’est vrai pour les artistes comme pour les galeries. Et malheureusement, j’observe que l’art visuel est sans doute le seul domaine de la culture où on n’ait pas trouvé de mécanisme pour faire vivre cette exception culturelle. Par exemple, les 15 films qui sont en compétition officielle du Festival de Cannes ne pèsent rien en terme de marché. Il n’empêche que quand tu as la Palme d’Or, c’est la plus grande reconnaissance mondiale en terme de cinéphilie. De la même manière, quand j’ai interviewé des écrivains comme Claude Simon qui a eu le Prix Nobel de Littérature, il m’a expliqué qu’avant de recevoir le prix, il vendait 80 livres par an, tous titres confondus. Donc, ça veut dire que tu peux avoir le Prix Nobel de Littérature en vendant 80 livres par an. Donc, là aussi, le regard critique sur la littérature a des formes de reconnaissance extrêmement fortes qui ne sont pas celles du marché.
C’est ce qu’il y a dans le cinéma ou dans d’autres secteurs (prix unique du livre par exemple). Je suis convaincu que notre destin est de porter cette exception culturelle dans le champ de l’art. Il n’y a aucune raison que l’art soit le seul champ où cela soit absent. C’est cela qui est délétère : ce que l’on peut apporter aux artistes, c’est cette reconnaissance, de leur renvoyer qu’ils sont importants pour nous. Alors, tu n’es pas obligé d’aller jusqu’aux demi-dieux comme moi. Mais en tout cas, leur donner le courage de continuer, quand bien même ils n’ont pas de succès financier ou public. Mais si tu dis à un artiste : « pour moi, tu es au top, tu es au niveau des plus grands », ça lui donne une pêche pour exister. Je le raconte souvent mais quand tu lis les écrits d’Apollinaire - qui n’est pas le plus grand écrivain sur l’art -, le seul artiste dont il dit c’est un grand artiste, c’est Picasso. Et à ce moment-là, Picasso a 22 ou 23 ans ! Quand tu as 22 ans et qu’Apollinaire dit déjà que tu es un grand artiste, ça te suffit pour ta vie ! Après, tu peux ne pas vendre, tu peux bouffer de la chaussure bouillie mais tu sais que quelqu’un a foi en toi. Et moi, c’est ce que j’ai toujours essayé d’apporter aux artistes. Je traite de la même manière un monument, un artiste de 70 ans qui a un parcours extraordinaire et un artiste de 25 ans, si j’ai le même enthousiasme et la même conviction. Pour moi, la critique est un exercice d’admiration ! C’est très important et comme aujourd’hui, il n’y a plus que le marché qui apporte cette reconnaissance, c’est d’autant plus important. Et pour te répondre précisément, c’est important pour les artistes mais c’est important pour les galeristes aussi.
Qu’est-ce que ça renvoie comme signal ? Ça veut dire qu’elle n’est plus au niveau ? Et donc après, c’est la spirale infernale. Tu n’es plus au niveau, donc les gens ne viennent plus te voir, donc ça devient de plus en plus dur… Soit les galeries qui ont été éjectés se disent « je suis éjecté parce que je suis pas bon ». Donc ils changent d’artistes et essaient de revenir. Et ce qui est encore plus pervers, c’est que la FIAC les accepte mais impose à la galerie de venir avec tel ou tel artiste ! C’est une spirale infernale, car tu ne montres qu’un bout de ce que tu fais ! Voire même, je l’ai déjà observé, quelque chose qui ne correspond même plus à ton programme ! C’était arrivé par exemple à l’époque à Anne de Villepoix à qui la FIAC avait imposé, après plusieurs années où elle n’avait pas été prise, qu’elle fasse un solo show de Rosemarie Trockel avec qui elle ne travaillait plus ! Je me suis dit "je vais créer un événement, qui va être sélectif mais avec d’autres critères que ceux de la FIAC".
Nous, on ne s’est pas attaché à ce que les gens montrent. Pour une raison très basique, on se trompe toujours ! Il y en a qui se trompent moins que les autres et on devrait leur faire confiance. J’ai observé cela avec mon ami Jean Brolly, qui a eu une clairvoyance incroyable dans les années 70. Il achetait tout Rutault, tout Toroni, tout Morellet, puis Ming… Quand il a ouvert sa galerie, tout le monde a dit qu’il ne comprenait plus rien, qu’il était ringard. Il a montré un artiste dont plus personne ne voulait, Steven Parrino. Il n’a rien vendu. Deux ans après, Parrino est mort, il est entré chez Gagosian et maintenant ça vaut 1 million de dollars et on demandé à Jean de bien vouloir montrer des Parrino à la FIAC, après l’avoir éjecté !
Et ensuite, de l’autre côté, c’est aussi quelqu’un qui est disponible pour le public, qui sait bien présenter le travail de ses artistes et de rendre compte de son travail au public, qui est disponible, et qui fait un service après-vente pour les collectionneurs : qui reprend l’œuvre si tu t’en es lassé, si elle est cassée... En fait, un bon professionnel : quelqu’un qui est bien avec les artistes, avec le public et avec les collectionneurs. C’est sur ces critères-là qu’on a décidé de sélectionner les galeries, donc sur des critères purement professionnels. Et ensuite, on ne leur demande pas ce qu’ils vont montrer mais de faire leur autoportrait ! Ce qu’on leur dit c’est : « vous avez une chance de rencontrer des gens qui ne vous connaissent pas, ou qui croient vous connaître et ne vous connaissent pas bien, donc qu’est-ce qui vous distingue de votre voisin ? Qu’est-ce qui fait que je dois aller chez vous ? ». C’est un speed-dating en fait ! Ce qu’on veut montrer, c’est quel est l’individu derrière la galerie. Ce n’est pas uniquement quelqu’un qui a des œuvres à vous vendre, c’est quelqu’un qui a une position dans la vie, dans l’art, qui est singulière. C’est ça qu’on essaie de mettre en avant à Galeristes pour essayer de casser le cercle vicieux des foires : certains se disent « pourquoi j’irai circuler dans Paris alors que je vais dans une foire et que j’ai tout de suite 400 galeries ? ». Sauf que ce qu’on voit dans les foires, ce ne sont pas les galeries. Car les galeries, ce sont des espaces d’exposition, singuliers, avec des éclairages pensés, des artistes qui passent plusieurs jours à faire des installations… tout ce genre de choses qu’on ne peut pas faire dans une foire. Il faut inciter les gens à aller dans les galeries pour qu’ils voient des artistes et non pas dans les foires où ils ne voient que des objets et des marchandises. Un conseil culture ? Je viens de finir la lecture des « Carnets • Montparnasse 1971-1980 » de Shirley Godfarb, enfin réédités par La Table Ronde. Cette formidable peintre américaine a choisi Paris, où elle a adoré vivre, mais où le milieu de l’art l’a incroyablement mal accueillie. D’une lucidité totale (sur l’art, elle-même, puis la maladie, ce cancer qui aura raison de sa superbe vitalité), ces Carnets sont un témoignage unique sur les difficultés à être artiste, à vivre une vie d’artiste dans l’indifférence quasi générale. J’en conseille donc la lecture, non seulement à tous les artistes qui se demandent (parfois) pourquoi ils continuent, mais au-delà, à tous ceux que l’art passionne. Ce n’est pas du tout désespéré, au contraire ça donne la pêche pour affronter les difficultés avec humour et légèreté.
Interview mené par Livia Perrier. Quelques liens http://galeristes.fr/ Crédits photo Portrait : Fabrice Gousset Photos : Mehdi Mendas
I had a first art world internship at the age of 17, that was followed by gallery internships, researching for artists, worked at König Gallery Berlin and took on any art job that spoke to me.
The third part is the dinner itself: while we install a show for one night, prepare the food and drinks and invite a mixed crowd of about 20 guests including art professionals and collectors and interesting personalities but students or anybody else. It’s a charming caricature on the format of a gallery dinner, but yet beautiful night followed by a cocktail for 50 more participants and creating a sort of a musketeer community within the art world at the end. Plus it gives an opportunity for people from outside of the art world to get a glimpse of how we live and a direct contact with the artist themselves. It’s an unconditional theatrical piece that everyone is experiencing in the roles of an actor and observer at the same time. How do you choose the emerging artist you highlight during the Ephemeral dinners ? Inner feeling. Based on experience and a trained eye. TheOthers art fair is one of the main independent fair in Italy. It is dedicated to international emerging artist. It shows galleries of course and also artist-run and project spaces with artists and curators. Each time is different, the goal is to recover captivating disused buildings : this year it will be hosted in the former Hospital Regina Maria Adelaide, a historical building inaugurated in 1887. Finally the fair is a place for experimental formats of exhibitions and site-specific projects, it seems to be more than a fair ! What project are you making for TheOthers art fair? Firstly, I was appointed as one of the curators for the Curatorial Board of the fair. Which is a genius thing for a young fair like TheOthers to choose few young international curators to represent the fair and to select international galleries, project spaces and non-profits to invite. After I finished this summer the projects that I was programming for Soho House Berlin, I was asked to help programming a series of events for TheOthers. I put together a Conversation Series including talks on some of the most relevant matters in today’s Independent art sector, such as the future of the gallery market - does a gallery need a physical space, the future of independent art publishing, beyond the traditional art fair model and „why is today’s art so meaningless“- talks. Our curatorial board will give their highlight-tours of the fair and few more surprises to follow.
Your eye on emerging creation : what are the artists to follow ? Who are the artists who inspire you as a curator ? As an art historian and a cultural nerd I adore the 60s in every way, starting from the Abstract Expressionism, Pop Art, Minimalism, Conceptual Art to Fluxus and Arte Povera. Geographically and historically. The list is long including Ear Art founder Spoerri, his friends and colleagues Yves Klein, Dieter Roth, Joseph Beuys and many more. Francis Alys, Philippe Pareno, early Tiravanija, Paulo Nazareth, Laure Prouvost, Christian Falsnaes, Rayyane Tabet, Nora Turato, Hiwa K. A culture advice ? The Square for an easy-going evening to laugh on ourselves wishing the art world circus, The Philosophy of Andy Warhol (From A to B and Back Again) by Andy Warhol to change and simplify the way we think, Peggy Guggenheim: Art Addict (2015) movie to learn what collecting really means, Anecdoted Topography of Chance by Daniel Spoerri. I haven’t been to the new show on Harald Szeeman in Düsseldorf yet, but it’s on my list. A tip for young professional ? Keep going, keep an inner naive and curious child, keep asking and questioning, but never forget - quality over quantity. And my favourite by my friend Christoph Kohlhöfer: when you get what you need you lose what you want. Interview by Livia Perrier Some links Ephemeral Dinners The Other fair Photo copyrights Anastasia Lobanova
J'ai eu un premier stage dans le monde de l'art à l'âge de 17 ans, qui a été suivi par d'autres stages en galerie, par des recherches pour des artistes. Puis, j'ai commencé à travailler à la galerie König à Berlin et à m'occuper de tout travail d'artiste qui me parlait.
La troisième partie est le dîner en lui-même : pendant que nous installons l'exposition pour une nuit, nous préparons la nourriture et les boisons et invitons une vingtaine de personnes, dont des professionnels de l'art et des collections, des personnalités intéressantes mais aussi des étudiants ou autres. C'est comme une caricature charmante d'un dîner de galerie, mais aussi une belle nuit suivie d'un cocktail pour plus de 50 participants, créant une sorte de communauté de mousquetaires du monde de l'art. Cela donne aussi l'occasion à des personnes extérieures au monde de l'art de se faire une idée de notre vie et de nouer un contact direct avec l'artiste. C'est comme une pièce théâtrale inconditionnelle que tout le monde expérimente à la fois comme acteur et comme observateur. Comment choisis tu les artistes émergents mis en avant lors des Ephemeral dinners ? Au feeling, l'expérience et un œil entraîné. TheOthers art fair est l'une des principales foires indépendantes italiennes. Elle est dédiée aux artistes émergents internationaux. Y sont présentées des galeries bien-sûr mais aussi des artist-run et des projets d'artistes et de curators. L'objectif est à chaque fois de trouver un lieu spécifique, un bâtiment désaffecté et captivant : cette année par exemple, elle est hébergée dans l'ancien Hospital Regina Maria Adelaide, un bâtiment historique inauguré en 1887. Ainsi, le salon est un lieu propice aux expositions expérimentales et aux projets in situ. Cela semble être plus qu'une foire ! Quel projet y organises-tu ? Tout d'abord, j'ai été nommée l'une des curators du Curatorial Board de la foire. C'est génial qu'une jeune foire comme TheOthers choisisse quelques jeunes curators internationaux pour représenter la foire et sélectionner des galeries internationales, des projets et des organisations à but non lucratif à inviter. Après avoir terminé cet été les projets que je programmais pour Soho House Berlin, on m'a demandé d'aider à programmer une série d'événements pour TheOthers. J'ai préparé une série de conversations comprenant des exposés sur certaines des questions les plus pertinentes du secteur de l'art indépendant actuel, telles que l'avenir du marché des galeries - "une galerie a-t-elle besoin d'un espace physique ?" -, de l'avenir de l'édition d'art indépendante, au-delà du modèle de la foire d'art traditionnelle et "pourquoi l’art d'aujourd’hui est-il si vide de sens ?". Notre commission de curation présentera des visites particulières et d'autres surprises!
Ton regard sur la création émergente : quels sont les artistes à suivre ? Qui sont les artistes qui t'inspirent en tant que curatrice ? En tant qu’historienne de l’art et grande amatrice de culture, j’adore les années 60, de l’expressionnisme abstrait au Pop Art en passant par le minimalisme et l’art conceptuel jusqu’à Fluxus et Arte Povera. Géographiquement et historiquement. La liste est longue, y compris le fondateur de Ear Art, Spoerri, ses amis et collègues Yves Klein, Dieter Roth, Joseph Beuys et bien d'autres. Francis Alys, Philippe Pareno, Tiravanija, Paulo Nazareth, Laure Prouvost, Christian Falsnaes, Rayyane Tabet, Nora Turato, Hiwa K. Un conseil culture ? The Square pour une soirée décontractée où l'on se marre en observant le cirque artistique. The Philosophy of Andy Warhol (From A to B and Back Again) d'Andy Warhol pour changer, simplifier notre manière de penser. Peggy Guggenheim : Art Addict (2015), un film pour comprendre ce que signifie vraiment collectionner. Anecdoted Topography of Chance de Daniel Spoerri. Je n'ai pas encore assisté à la nouvelle exposition d'Harald Szeeman à Düsseldorf, mais c'est sur ma liste ! Un conseil pour les jeunes professionnels ? Continuez, gardez une part d'enfant naïf et curieux, continuez à poser des questions, mais n'oubliez jamais - la qualité avant la quantité. Et d'après mon ami Christoph Kohlhöfer: lorsque vous obtenez ce dont vous avez besoin, vous perdez ce que vous voulez". Interview mené par Livia Perrier Quelques liens Ephemeral Dinners The Other fair Crédits photos Anastasia Lobanova Né en 1966 à Sao Domingos en Guinée-Bissau, Nù Barreto est un artiste pluridisciplinaire et engagé, figure majeure de la scène contemporaine africaine. Il crée des peintures, des dessins, des collages, des photographies ou encore des vidéos qui nous parlent des différentes étapes de l'histoire africaine et de la désunion des peuples africains. À l'aide de l'utilisation de couleurs, de motifs et de formes symboliques, il attire le regard sur les nombreux fléaux sévissant sur le continent africain : la misère, les discriminations, les coups d'état du 20ème siècle, les génocides, les guerres fratricides... Son message est aussi un message d'espoir. En effet, il souligne dans ses oeuvres la richesse intellectuelle et culturelle de l'Afrique. Son travail sur l'histoire et l'actualité se développe ainsi dans une esthétique singulière. Il est exposé jusqu'au 29 décembre à la Galerie Nathalie Obadia et c'est à cette occasion que j'ai pu échanger avec lui.
Puis, j'ai eu une période chaotique dans ma vie car j'ai perdu mon seul frère... J'ai fait un break de l'art. Je ne voulais plus dessiner. Mon oncle qui habitait à Paris a demandé à ma mère que je vienne continuer mes études en France. Il estimait que ce break ne devait pas continuer. Pendant ce laps de temps, j'ai appris la photo avec les moyens du bord et cela a commencé à me passionner. En 1989, je suis donc venu en France et j'ai intégré une école de photographie. Je faisais des jobs alimentaires à côté de mes études : parfois assistant de photographe de mode ou bien assistant de photographe dans de la publicité. J'ai ensuite fini mes études et j'ai commencé à faire mes propres travaux photos. C'était un monde très difficile car il était dur de trouver un espace pour m'exprimer et en vivre. Au lieu de chercher autre chose, j'ai décidé de reprendre mes dessins et mes peintures. Vous rappelez-vous de votre première oeuvre d’art ? Je m’en rappelle, on s’en souvient ! C’était du dessin à l’école primaire. Je dessinais pour tous les amis de la classe. C’était une curiosité de venir voir le petit qui dessinait. Un de mes amis a gardé un de ces dessins-là qui date de ma petite enfance. C'est vrai que je m’en souviens de quelques uns, qui m'ont marqué.
Quel est votre processus créatif ? Chacun procède de façon différente. En ce qui me concerne, je peux débuter à partir d’une esquisse qui me vient. Ensuite, je la développe pour voir jusqu’où cela peut me mener, pour voir dans quel angle il vaut mieux aller pour que je sois mieux compris. Je souhaite être compris facilement. Je cherche à parcourir un chemin court, rapide et compréhensible. Parfois, certaines problématiques me viennent en tête : c'est ainsi que j’ai commencé une série de dessins au crayon rouge où je mets en avant le déséquilibre social.
Historiquement, on dit que l’Afrique est le berceau de l’humanité. Dans ce cas-là, elle appartient à tout le monde, pas seulement aux noirs ou seulement aux noirs. De cette idée est venue le nom de l'exposition : "Africa: Renversante, renversée". Il faut lui donner la valeur de considération qu'elle mérite : c'est une priorité pour tous. Les œuvres créées pour l'exposition sont de grands formats, des structures de contreplaqué avec des toiles marouflés. J'ai effectué tout un travail de menuiserie puis étape par étape, j'ai fini par la peinture. Dans l'exposition, j'ai aussi ajouté un piège... il s'agit du paillasson de l'entrée : chacun est obligé de passer par là...
Quels sont vos prochains projets ? Je suis en train de travailler pour un projet dont je ne peux pas encore parler, je peux seulement dire que quelques propositions pour New York qui sont en route. Je vais également être présent sur certaines foires avec la galerie - notamment à Marrakech. Enfin, je vais participer à une exposition collective à Dakar, L'Afrique, c'est chic. Quels sont les artistes qui vous inspirent ? Francis Bacon reste évidemment pour moi un artiste qui a su décrire la souffrance humaine dans son travail ; Lucian Freud, De Kooning sont également des pointures ; Paola Rego, une portugaise qui vit à Londres ; l'artiste ghanéen, El Anatsui... Il y en a beaucoup ! Auriez-vous un conseil pour les jeunes artistes ? Il est important d’avoir un mentor pour pourvoir suivre ses pas. Mais il ne faut jamais être pressé : personne ne peut vous prendre ce qui est à vous. J’ai eu l’occasion de travailler avec des jeunes : ce qu’il faut comprendre c’est que lorsque vous travaillez avec quelqu’un, même si vous êtes son professeur, c’est un échange. Chacun apprend avec l’autre. Il n’y a pas de recette miracle, il faut juste travailler. Savoir se contenter de ce qu'on sait faire, les faire de façon professionnelle. C’est le cap que je garde et j’espère pouvoir transmettre cette philosophie aux plus jeunes qui sont en train d’embrasser cette carrière artistique : travailler et faire ce qu’on peut faire. Qui est votre mentor ? Mon grand-frère. J'ai essayé d'apprendre auprès de lui. Cependant, il n'était pas pédagogue et frappait beaucoup. Ma mère nous a demandé de stopper et j'ai fini par lâcher.. Il est resté pour moi quelqu’un qui avait réussi à créer une autre ligne dans son dessin, une ligne que j’aurai aimé avoir. Je viens d'un pays où le style prédominant est le réalisme. Augusto Trigo est un précurseur de l'art contemporain, il reste aussi pour moi un mentor - sans que je prenne pour autant cette même direction de l'hyperréalisme. Interview mené par Livia Perrier Quelques liens Galerie Nathalie Obadia Site de l'artiste Crédits photos Portrait : Thierry Caron - Agence Divergences Images Œuvres : Atelier 80 Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia, Paris - Bruxelles. Bianca Argimon est une artiste née en 1988 en Belgique de parents espagnols et français et elle vit aujourd'hui à Paris. Au premier regard, ses œuvres - dessin, peinture, céramiques et autres œuvres tridimensionnelles - paraissent simples et poétiques dans des tons doux et délavés. Lorsque l'on s'approche, les détails prennent vie et dans une seconde lecture, on observe le fonctionnement et les symboles de notre société contemporaine, soulignés avec un certain humour noir. En effet, Bianca Argimon s'inspire de faits réels, elle les mêle à des éléments historiques et de culture contemporaine et y ajoute des éléments fictionnels. Elle crée ainsi une oeuvre complexe, fine, parfois cynique "afin de provoquer et d'inviter le public à participer d'un processus de réflexion". Rencontre. YAR : Quand avez-vous commencé à vous intéresser à l'art ? Très très tôt, enfant j’ai été promenée aussi bien dans les rétrospectives que dans les collections permanentes, j’ai vu mes goûts évolués au fil du temps, sans jamais perdre d’intérêt pour les primitifs et le moyen age.
Quel a été votre parcours ? J’ai fait ma première année d’étude à Saint Martins à Londres, ensuite quatre ans à l’école des Arts Décoratifs de Paris et quatre autres aux Beaux Arts de Paris avec quelques mois d’échange à RISD aux Etats Unis. J’ai exposé pour la première fois en 2008 et j’ai participé à de nombreuses expositions de groupe et quelques expositions personnelles depuis qui m’ont permise durant ces années d’étude de montrer mon travail en dehors du cadre académique.
Aujourd'hui, quel est votre processus créatif ? Le processus créatif agit comme un moteur, si il fonctionne il ne faut surtout pas le changer ! Au contraire, il faut le faire marcher et avancer. Je travaille donc toujours en puisant dans l’actualité contemporaine, dans mes lectures et dans mon imaginaire, j’interprète l’information à ma manière, sans la caricaturer, en cherchant toujours un trait d’humour. Je tente aussi d’expérimenter avec les techniques, que ça soit le bois, l’argile, le dessin, la peinture, j’aime me confronter à la difficulté, sinon on finit vite par s’ennuyer.
Quels sont vos prochains projets ? Actuellement je travaille pour deux expositions personnelles qui doivent avoir lieu en 2019-2020, des expositions collectives et je suis également en train de déposer des dossiers pour des résidences.
Paul Gauguin, Cy Twombly, Matisse, Pablo Picasso, Vermeer, Jerôme Bosch, Pieter Bruegel, Hiroshige, Hokusai, Ambrogio Lorenzetti, Fra Angelico, Piero della Francesca, Giovanni Bellini, Mantegna, Masaccio, Masolino, Giotto, Simone Martini pour les plus anciens, pour ne nommer qu'eux.. Un conseil culture ? (expo, livre, musique, ou autre) Les soies peintes de Jakuchu au Petit palais, et l'exposition Mantegna/Bellini à Londres... Interview mené par Livia Perrier Quelques liens http://www.biancaargimon.com/ Fondation d'Entreprise Hermès : Les résidences d'artistes Crédit photo Portrait : Marie Dehé J'ai rencontré Elsa Guillaume lors de ma mission à l'Institut Culturel Bernard Magrez où elle a été en résidence pendant trois mois. Née en 1989 à Carpentras, elle est titulaire d'un diplôme national supérieur d'arts plastiques aux Beaux-Arts de Paris. Elle a obtenu le prix COAL en 2015 qui lui a permis de vivre une expérience fantastique : partir un mois durant en résidence sur le bateau d'expéditions Tara dans le cadre de sa mission "Les récifs coralliens face au changement global de la planète".
YAR : Comment définirais-tu ton travail ? Je parlais justement de "strates" tout à l'heure, et c'est ainsi que j'aime voir les choses. Formellement, il s'agit de volumes et de dessins : beaucoup de céramiques, des formes découpées, des lignes. Dans une première strate, il y a cet attrait pour les lieux inexplorés, les récits des découvertes et des expéditions, jusqu'aux documentaires actuels. Dans mon travail, l'on repère bien l'importance de l'océan, des abysses et autres créatures marines. J'y puise beaucoup de formes et inspirations, mais il y a aussi les îles lointaines, les hauts sommets, les jungles impénétrables ou encore les pôles glacés qui me stimulent et agitent ma curiosité. En seconde "strate", il y a la fragmentation, le découpage des éléments. Cela évoque autant la dissection, cette envie d'aller voir ce qu'il y a à l'intérieur des choses, que la nourriture, et comment l'humain s'alimente. Je m'intéresse autant aux chaluts de pêche qu'à l'anthropologie. Cela peut sembler être un grand écart et pourtant, je trouve que tout est lié. Il s'agit du monde qui nous entoure, que j'essaie de décrire à ma manière, avec de l'humour, parfois noir, et aussi de la tendresse, de la légèreté.
Mais il y a aussi en seconde lecture, l'évocation de la pêche illégale des ailerons. Sauvagement découpés, nombreux requins et raies sont rejetés en mer encore vivants, et coulent déaileronnés vers leur mort certaine. Cela alimente une économie absurde où des croyances thérapeutiques priment sur des êtres vivants. YAR : Quels sont les artistes contemporains qui t'inspirent ? En voici quelques uns : Quentin Blake, Johan Creten, Bill Viola, Nick Cave, François Schuiten, Kristin Mc Kirdy, Jockum Nordström...
YAR : Un conseil culture ? Un livre qui m'a marquée récemment, c'est Petit Pays de Gael Faye. C'est très beau, fort et résonne particulièrement avec l'actualité. Cela fait deux mois que je ne suis pas en France, donc pour une exposition récente, difficile ! Avant de partir, j'ai vu au Musée Guimet celle sur les cartes asiatiques, magnifique ! Et comme tous, je regrette que la Maison Rouge ferme. J'y ai vu tellement d'expositions et collections qui m'ont marqué... YAR : Un conseil pour les jeunes artistes ? Rester soi-même, être curieux, énergique, suivre son intuition. Garder le cap et prendre des risques. Interview mené par Livia Perrier Quelques liens https://elsaguillaume.com/ Backlash Gallery Prix Coal Crédit photo Portrait : Géraldine Guillaume
Contemporary Istanbul took place a few weeks ago. Nilbar Gures was exhibited there at the stand of the New York C24 gallery.
Nilbar Güres is a Turkish artist, born in 1977 in Istanbul. She first studied art in Istanbul then in Vienna where she passed an MA at the Academy of Fine Arts. She moved to New York Ciy in 2011. Today, she lives between Vienna and Istanbul. She questions the construction of gender in patriarchal cultures in a multidisciplinary work : videos, photographies, installations, collages... She uses her own experience to show what is hidden, to point out the contradictions of rigid traditions. Interview. What is your artistic career history ? How did you come to art ? I remember being three years old, listening to classical music and trying to dance ballet. Although I was very talented in music, I didn’t receive the proper attention from my parents for me to have studied it further. When I was fifteen, I won a local award for one of my paintings created for Ataturk, the founder of Turkish National Teacher’s Day. I passed the university exam a few years later for Industrial Design, as well as Painting, at the Mimar Sinan Academy of Fine Arts. After starting my study in Design, I realized I was missing the freedom and spirit of art in my life, so I changed course and began studying painting at Marmara University. My strong visual memory developed as a small child, constantly observing the things around me, like furniture and other objects, and developing their forms into something different, like animals, children, figures, etc. As an outsider, it didn’t make sense for me to play with other kids, I was mostly just day dreaming by myself — probably difficult to understand and to handle for my parents. How feminist issues are resonating with your work ? Has it always been an underlying issue in your work ? I am a sensitive, vulnerable, yet critical individual. When I was younger, of course se I did not know what Feminism was, but as I observed some things throughout my time in school, I began to notice discrepancies in the ways boys and girls were being treated. Our teachers separated us by gender and I saw how some things that were acceptable for boys were not for the girls. We know now that this is Sexism. Female students were hurt, verbally abused and even sexually abused by male students and that was accepted, passed off as “normal”. Injustice is a huge topic for my work, I can’t bare the idea of class and discrimination based on gender between living beings. Naturally, I started becoming aware and protecting myself in the areas in which I could be hurt or abused within my female environment. Now I know this to be Feminism :-) My perception of the world did not change, it only became stronger, so these feelings are still alive in me and I have a powerful took to speak out about my observations and feelings — this is Art.
connected to fabric and the strong notions of time and space in history it is able to provide. I sometimes paint on fabrics or use them to cover my sculpture; fabrics can create bodies. Fabric transcends time and allows one to understand and relate to other periods. Fashion is always inspired by global, historical and political shift, which make it all the more interesting.
What do you want to tell in your artworks ? I try to talk about many injustices, I criticize systems of class and rules created by men about the artificial and inhuman, body rules that stem from major conservative politics. Sometimes artist can function as newspapers, some issues are not in the public’s daily life and then come artists, who realize something about it and make people confront these issues and talk about them. Local matters become global dilemmas. I strongly believe in the strength of the visual arts, especially when it takes place in public spaces. I ask curators to exhibit my work in store windows or on billboards. Sometimes people don't have the time to listen to another individual’s reality or they simply don’t want to listen at all. In such situations we can show images and the message can be easily digestible without any personal pressures. The visual arts are a great form of communication. It is unimposing; it is able to convey what language can not almost instantaneously.
A tip for beginner artist ?
They should not follow other artists too much, spending time in their individual worlds is very important to finding one’s own path.
Interview by Livia Perrier
Links http://www.contemporaryistanbul.com/ https://tanjawagner.com/artists/nilbar-gures/ http://www.c24gallery.com/artists/#/nilbar-gures/ Copyrights Self defloration : Chroma Torn : Nilbar Gures
Il y a un mois se tenait la foire Contemporary Istanbul, dans laquelle était exposée Nilbar Güres, au stand de la new yorkaise C24 Gallery.
Nilbar Güres est une artiste turque, née en 1977 à Istanbul. Elle a tout d'abord étudié l'art à Istanbul puis à Vienne, où elle obtient un MA à l'Academy of Fine Arts. Elle s'est ensuite installée à New York en 2011. Aujourd'hui, elle vit entre Vienne et Istanbul. À travers une oeuvre plurielle - vidéos, photographies, installations, collages -, elle questionne la construction du genre dans les cultures patriarcales. Elle utilise ses propres expériences pour montrer ce qui est dissimulé et pour pointer les contradictions des traditions trop rigides. Rencontre.
d'artistique. Je me suis donc réorientée vers l'étude de la peinture à Marmara University.
Ma mémoire visuelle s'est développée lorsque j'étais enfant, en observant constamment les choses autour de moi : les objets, les meubles, puis je changeais leur forme en d’autres comme des formes animales, des figures d'enfants ou encore des portraits humains. J'étais une outsider : jouer avec d'autres enfants n'avait aucun sens pour moi. Je préférais rêver seule - j'étais probablement difficile à comprendre et à gérer pour mes parents ! YAR : Comment les questions féministes sont entrées en résonance avec votre travail ? Cette question a-t-elle toujours été sous-jacente dans votre travail ? Je suis une personne sensible et vulnérable mais aussi critique. Bien-sûr, quand j'étais plus jeune, je ne savais pas ce qu'était le féminisme. Mais, en observant certaines choses tout au long de mon parcours scolaire, j'ai commencé à remarquer des différences dans la manière dont les garçons et les filles étaient traitées. Nos professeurs nous séparaient par sexe et j'ai vu à quel point certaines choses étaient acceptables pour les garçons et pas pour les filles. Aujourd'hui, nous savons que cela s'appelle du sexisme. Des étudiantes ont été blessées ou agressées verbalement ou sexuellement par des étudiants et c'était accepté, c'était "normal". L'injustice est un sujet important dans mon travail, je ne peux pas nier l'idée de classe et de discrimination fondée sur le sexe entre les êtres vivants. Naturellement, j'ai commencé à en prendre conscience et à me protéger dans les domaines où je pouvais être blessée ou maltraitée dans mon environnement féminin. Maintenant, je sais que c'était du féminisme ! Ma perception du monde n'a pas changé, elle est seulement devenue plus forte. Ces sentiments sont toujours vivants en moi et j'ai un outil pour les exprimer : l'art.
Je suis aussi particulièrement attachée aux tissus et aux notions de temps et d'espace qu'il est en mesure de fournir de l'histoire. Je peins parfois sur des tissus ou je les utilise pour recouvrir mes sculptures, car ils peuvent aussi créer des corps. Le tissu transcende le temps et permet de comprendre et d'être en relation avec d'autres périodes. La mode est toujours inspirée par les changements globaux, historiques et politiques, qui la rendent d'autant plus intéressante.
possibilité de créer un vaste horizon pour les humains. Un territoire ou un sentiment sont libres de changer de propriétaire, les objets matériels sont voués à disparaître... Nous devrions partager notre argent, donner nos vêtements. Les êtres humains devraient même partager leurs conditions de vie, bonnes ou mauvaises, et comme tous les autres animaux, pratiquer le vivre ensemble.
Heureusement, j’ai autour de moi beaucoup de femmes fortes. Je reçois des tissus d’amis, parfois de la part d'amis de ma mère, et ces tissus m’inspirent beaucoup… Parfois ils sont très vieux, pleins de souvenirs…
YAR : Un conseil pour de jeunes artistes ? Ils ne devraient pas suivre trop d’autres artistes. Passer du temps dans leur monde individuel est très important pour connaitre leur propre chemin.
Interview mené par Livia Perrier
Traduction : Juliette Sussan Quelques liens http://www.contemporaryistanbul.com/ https://tanjawagner.com/artists/nilbar-gures/ http://www.c24gallery.com/artists/#/nilbar-gures/ Crédits photo Self defloration : Chroma Torn : Nilbar Gures
YAR : Quel a été votre parcours professionnel ? Quand vous êtes-vous intéressé à l'art ?
J'ai travaillé très jeune, au début des années 90, au Crédit Municipal de Paris. Il s'agissait de mon premier job, auprès de ma tante. J'y faisais du prêt sur gage, et c'est ainsi que j'ai commencé à m'intéresser aux objets. À l'époque, ils avaient envie de grandir : les maisons de ventes anglo-saxonnes prenaient une tournure plus internationale et le Crédit Municipal a ouvert un département
"Art et Patrimoine" dont j'ai été le PR. Ensuite, j'ai monté un espace galerie mais pour faire de l'entretien de clientèle pour le Crédit Municipal.
J'ai commencé à monter des shows. Je me suis donc formé à l'Ecole du Louvre. C'est vrai que l'art contemporain a été une découverte assez fortuite. J'ai fait ça pendant un certain temps puis je suis devenu l'assistant du galeriste Alain Le Gaillard. Sa galerie est spécialisée dans l'art moderne et des pièces de marché d'art contemporain. J'ai eu l'occasion de monter la première exposition de Pascale Marthine Tayou, avant qu'elle soit représentée par la Galerie Continua. Nous travaillions aussi sur Basquiat, Louise Bourgeois, etc., j'ai ainsi pu approcher le second marché. Puis, j'ai monté ma galerie, la galerie Olivier Robert. J'y faisais de la promotion de jeunes artistes de toutes nationalités : la française Elodie Lesourd - qui est exposée dans le cadre du Printemps de Septembre et aussi au Frac Île de France -, avec qui je travaille depuis 2004, mais aussi des artistes étrangers tels que Barry Mcgee ou encore Alex Da Corte, qui est aujourd'hui représenté par Maccarone. J'ai souhaité donner un nouveau souffle à ma galerie, j'ai donc changé d'espace et de nom : Lily Robert. Dans l'art contemporain, contrairement aux marchands d'art moderne, aux antiquaires, il n'y a pas de filiation, de transmission de l'entreprise dans sa famille. Or Lily est le prénom de ma fille. J'ai voulu jouer sur une filiation fictive. L'hiver dernier a été très morose pour les galeries avec plusieurs fermetures. L'hyper financiarisation me fatiguait et je voulais arrêter les expositions classiques. J'avais envie de changement, j'ai donc lâché l'espace Rue des Haudriettes. Je me suis installé dans le 4e arrondissement, qui abrite aujourd'hui mon bureau mais qui redeviendra certainement une sorte de galerie.
YAR : Comment se distingue Bienvenue Art Fair des autres foires d'art contemporain ?
Je n’ai pas la réponse car on peut retrouver plusieurs aspects de Bienvenue dans d'autres foires. La foire à taille humaine, conviviale, Galeristes s'en est servi comme approche. Ce n'est pas non plus une foire qui montre uniquement des jeunes galeries ni une foire portée sur l'international telle que Paris Internationale. Bienvenue est un projet collectif et respectueux à la fois envers les galeries et envers le lieu qui accueille. YAR : Que sont les Artist run spaces organisés en parallèle de la foire ? En parallèle de la foire, Bienvenue et la Cité Internationale inaugurent un Artist run space. C'est un peu l'espace de la galerie avant la galerie, une façon de commencer à produire des expositions. Il s'agit de projets avec des budgets plutôt restreints dans des lieux qui ne sont pas gigantesques, sur des durées assez courtes. Finalement, il est intéressant de jouer aussi sur ce mode de présentation, d'action dans l'art. Faire ce lien avec la cité était vraiment important pour moi. Nous avons eu un très bon accueil et soutien, c'est en quelques sortes un cercle vertueux.
thème plus ou moins et de fait, elles le respectent en participant à Bienvenue.
Le projet curatorial était une vision romantique de ce que pourrait être Bienvenue. Cela m'a davantage aidé à réfléchir au projet, à structurer une pensée. Pour une foire, c'est assez difficile d'être vraiment dans le curatorial (même si Poppositions a ce type d'approche). Bienvenue a aussi un format un peu particulier puisque la foire dure 15 jours : 1 semaine avec les galeries et 1 semaine avec un système de médiation. Nous essayons d'être entre la foire et l'exposition de groupe. D'ailleurs, l'espace se prête à ce type d'événement en imposant un mode déambulatoire.
les galeries... Je suis admiratif du travail d'Emmanuel [Perrotin], de Kamel [Mennour], ils sont extraordinaires, mais c'est bien d'avoir aussi d'autres modèles économiques.
YAR : Des initiatives inspirantes ? J’aime beaucoup le projet indépendant "Dama" en marge de la foire Artissima à Turin, la foire Material Art Fair à Mexico qui a été monté par un galeriste. Je trouve ça intéressant quand ce sont des galeries qui créent une foire. Paris Internationale est frais et cool. Bienvenue est un peu différente car elle n'est pas internationale et présente beaucoup moins de galerie mais il y a aussi un côté frais que je trouve pas mal. YAR : Un conseil pour les jeunes artistes et pour les jeunes professionnels de l'art ? Tenir. C’est un peu la devise du 21e régiment d'infanterie de marine : "croche et tient". Ça fait un peu militaire mais c’est un peu ça finalement. Ce qui est intéressant pour moi aujourd'hui, c'est de pouvoir avoir du recul et pouvoir voir les histoires de l'art que j'ai vécu : l'exposition Tayou en 2002, Corte en 2009. Avoir vécu tout ça est vraiment cool. Ce qui est bien aussi avec la création de Bienvenue, c’est de ne pas devenir aigri envers les artistes, les collectionneurs... C’était une envie de positive attitude. |